A la demande d’un administré TRUNOIS, soucieux de l’état et du devenir de l’Orgue de l’église de TRUN, Monsieur Thierry SEMENOUX, Technicien-Conseil auprès de la Direction générale des Patrimoines et Expert-Organier auprès de la Direction de la Musique, s’est rendu sur place, le 20 novembre dernier, pour expertiser l’instrument de musique.
Lors de la dernière séance du Conseil Municipal, Monsieur le Maire a souhaité faire part de cette expertise à l’Assemblée : L’Orgue de TRUN, fabriqué au début du XXème siècle n’est pas dans la liste des instruments protégés « (…) mais il ne manque pas d’intérêt ». Au jour d’aujourd’hui, son état est préoccupant et toutes les parties bois sont attaquées par des xylophages. Un traitement devient urgent.
Selon les choix faits, Monsieur SEMENOUX précise, dans son rapport, qu’il faut compter un budget prévisionnel de 100 000€ à 150 000€ HT en cas de reconstruction de l’instrument et un budget de 60 000€ à 80 000€ HT pour une restauration en l’état « (…) qui ne permettrait guère à l’orgue d’avoir un rôle important d’animateur musical ».
Monsieur PRIGENT ajoute que la commune ne peut se permettre ces frais mais préconise que soit fait, dans un premiers temps le traitement contre les xylophages.
Une somme d’environ 10 000€ pourrait être inscrite, dans un prochain budget, pour aider la paroisse (ou tout passionné) à remettre cet orgue en état.
Voici un résumé de l’expertise de Monsieur SEMENOUX :
« (…) l’orgue de Trun n’apparaît dans aucune liste des instruments protégés au titre des Monuments Historiques, tant dans la liste des protections par classement que celle des protections par inscriptions à l’Inventaire des Monuments Historiques. Cependant, l’instrument ne manque pas d’intérêt. Il se positionne de façon correcte dans cette petite église et ne demande qu’à revive. Il n’en reste pas moins que son état est préoccupant :
- Cet orgue est attribué à l’atelier de l’Abbé Tronchet
Cet atelier faisait partie de la mise en œuvre d’une lecture de la doctrine sociale de l’église catholique dans la seconde moitié du XIXème siècle et la première moitié du XXème siècle.
L’Abbé, né dans la Sarthe en 1861, devient Directeur de l’œuvre des Ateliers Chrétiens et va occuper, entre 1887 et 1945, une place non négligeable dans l’histoire de la facture d’orgues de la Sarthe et des départements limitrophes. En la fin du XIXème siècle, l’église catholique se préoccupe des jeunesses ouvrières : un grand nombre de fondations voit le jour. C’est dans ce cadre que l’Abbé Tronchet crée une véritable entreprise qu’il dirigera jusqu’à sa mort, en 1945, en homme averti.
En réalité, l’atelier de l’Abbé Tronchet ne fabrique que peu de matériel. Il s’entoure d’une équipe et commande à des maisons qualifiées un matériel qu’il se contente bien souvent de remonter. L’analyse des instruments construits et l’examen des livres de comptes de l’entreprise indiquent qu’une quinzaine de personnes travaillent en permanence et que l’entreprise fait appel à divers acteurs et fournisseurs extérieurs dont certains sont renommés dans le monde de la facture d’orgues comme Paul Beurtin, la maison Masure, Charles et Louis Reinburg et enfin la maison Laukhuff.
L’Orgue de Trun ne figure pas dans la liste des travaux de l’atelier de l’Abbé Trochet. On relève pourtant quelques instruments dans le département de l’Orne : Longny au Perche (1900), l’Aigle (1907), Briouze (1913), Alençon, Condé-Sur-Sarthe, Echauffour, Rémalard, Tinchebray.
La facture de l’Abbé Tronchet est fonction des éléments récupérés et de ses divers fournisseurs. Les ateliers livrent, dans la plupart des cas, un instrument de taille modeste, si possible avec clavier transpositeur ; un instrument rural, dont la vocation est essentiellement l’accompagnement du chant liturgique.
- Description sommaire de l’Orgue actuel
L’orgue est installé en tribune.
Le buffet est composé d’un meuble unique dont de nombreux éléments ont été transformés, probablement lors de l’installation (ou de la transformation) par l’Abbé Tronchet ainsi que le montra la photo jointe, prise sur le montant avant côté # de la face avant (tenon coupé d’une traverse disparue).
La face avant est composée d’une plate face et de deux tourelles, portant des joués sculptées.
La partie haute des retours s’ouvre comme une boite expressive avec 5 volets. On note les compléments, au dessus de la ceinture, en bois blanc.
Les transmissions des notes et de jeux sont entièrement mécaniques. L’abrégé, horizontale, placé en dessous du sommier est en bois avec palettes en fer. Le clavier est transpositeur et commande 54 pilotes foulants (C à F). La console est aujourd’hui située sur le côté.
Les touches naturelles ont été replaquées, les nouveaux plaquages fixés au moyen de vis (sic).
Le tirage de jeux se fait par bâtons tournés au dessus su clavier manuel et pratiquement à la division des registres du sommier (sauf bien entendu pour les jeux coupés en basse et dessus).
La composition de l’orgue est la suivante :
Prestant 4 (basses en façade) : Jeu entièrement en métal. Entailles de timbre.
Flûte 8 : première octave en bois, commune avec la Gambe 8. Dessus en métal. Entailles de timbre.
Gambe 8 : cf. ci-dessus. Dessus en métal. Encoches d’accord.
Doublette 2 : (sur registre Voix Céleste 8) : Jeu entièrement en métal, tuyauterie industrielle, probablement Laukhuff.
Bourdon 8 : Jeu entièrement en bois. Registre coupé en basses et dessus au C3.
Trompette 8 : Basses siphonnées. Jeu entièrement en métal. Noyaux carrés. Anches Bertounèche. Rasettes en acier.
Le sommier est chromatique avec un ravalement de 6 notes.
L’étanchéité de passage de la mécanique dans la laye a été refaite à une date indéterminée : les boursette en peau ont été remplacées par des capillaires avec pastilles en plomb. Les soupapes sont doublées en peau épaisse.
Le vent est fourni par une turbine électrique assez ancienne. L’alimentation d’origine subsiste avec le bras qui mettait en mouvement deux pompes situées en dessous du réservoir unique, à plis parallèles.
- Etat actuel de l’orgue et avenir
L’orgue est en mauvais état, mais fonctionne toujours. Il n’est plus utilisable dans l’état, que ce soit pour l’accompagnement ou en soliste.
On note en premier l’état de toutes les parties en bois très attaquées par des xylophages. Un traitement devient particulièrement urgent, ces attaques parasites ayant déjà été notées lors de l’inventaire des orgues dans les années 1990.
Une restauration de l’ensemble est possible. L’instrument n’étant pas protégé au titre des Monuments Historiques. On peut également envisager une reconstruction assez complète dans le buffet existant restauré, pour donner un instrument, certes réduit, mais permettant une vie musicale plus active avec une nouvelle composition des jeux.
Selon les choix faits, il faut compter un budget prévisionnel de 100 000 à 150 000€ HT en cas de reconstruction de l’instrument et un budget de 60 à 80 000€ HT pour une restauration en l’état. Il faut savoir que la restauration en l’état ne permettrait guère à l’orgue d’avoir un rôle important d’animateur musical. (…)
Expertise et photos de Monsieur Thierry SEMENOUX
Sources : Inventaire National des Orgues – 1996 -